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Expatriation : entre la projection idéalisée et les épreuves psychosociales

  • 15 mars 2019
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 27 août

Ana-Paula Prange


De nombreuses personnes s'expatrient chaque année, poussées par des raisons professionnelles, familiales ou simplement par le désir de découvrir d'autres cultures. Mais si les démarches administratives sont souvent bien préparées, les défis psychiques , eux, restent largement sous-estimés.


Derrière l'enthousiasme du départ se cachent des réalités plus complexes : perte de repères, isolement, difficultés d'intégration... L'expatriation, bien qu'elle puisse être source de richesse et d'épanouissement, peut aussi engendrer une forme de souffrance psychique difficile à nommer et encore plus à partager.


Un choc culturel aux résonances intimes


Le changement de culture entraîne bien souvent un choc culturel. Cette confrontation à d'autres normes sociales, d'autres façons de penser, de se comporter ou même de parler, peut créer un sentiment de désorientation profonde. Loin de se limiter à un inconfort passager, ce choc peut affecter durablement l’équilibre psychique de la personne expatriée.


On observe régulièrement des problèmes d’adaptation linguistique, des difficultés professionnelles, et, chez les enfants et adolescent·e·s, des troubles scolaires liés à ce nouveau contexte. Les relations interpersonnelles et les confrontations idéologiques peuvent aussi révéler des dilemmes douloureux : c’est alors l’identité même qui vacille.


Entre ouverture et repli

Chaque individu réagit différemment. Pour certains, cette transition culturelle est une opportunité : celle de remettre en question certaines valeurs de leur culture d’origine et d’imaginer de nouvelles manières de vivre. Pour d'autres, elle provoque une forme de repli : le besoin de s’entourer uniquement de « compatriotes », de maintenir coûte que coûte les références culturelles connues, et parfois même de rejeter en bloc les codes du pays d’accueil.


Ce phénomène se traduit souvent par des discours du type : « Chez moi, on ne fait pas comme ça, c’était bien mieux. » Un mécanisme de défense compréhensible, mais qui peut freiner le processus d’intégration.


Le poids du silence

Lorsque l’on vient d’un pays en développement, il est souvent difficile de parler de cette souffrance à ses proches restés au pays. Ces derniers, confrontés à des réalités socio-économiques parfois très dures, ont du mal à comprendre cette vulnérabilité. La réponse est souvent la même : « Tu vis en Europe, tu es bien, ce n’est pas comme ici. »


Ce manque de reconnaissance isole davantage l’expatrié·e, qui peut alors croire qu’il ou elle est seul·e à ressentir ce mal-être. La souffrance psychique devient une honte, une faiblesse qu’on préfère cacher, ce qui aggrave le sentiment d’isolement.


Donner du sens, sortir de l’isolement

En tant que psychologue, j’observe régulièrement ces phénomènes récurrents : l’angoisse, la confusion identitaire, la solitude, et surtout l'impression erronée d’être seul·e à souffrir. Pourtant, ce vécu est partagé par de nombreuses personnes expatriées.


Parler, mettre des mots, donner du sens à l’expérience vécue, sont des étapes essentielles pour traverser cette période d’adaptation. La parole libère, mais surtout, elle permet de re-signifier les épreuves, de les replacer dans une trajectoire de vie plus large, souvent marquée par la résilience.


Vers une compréhension empathique

Pour ceux et celles qui n’ont jamais vécu l’expatriation, il faut un réel effort d’empathie pour comprendre cette fragilité psychique. Loin d’être une faiblesse, cette vulnérabilité est une réaction humaine à un bouleversement profond.


Reconnaître cela, c’est déjà offrir un espace de reconnaissance à ceux et celles qui, sous des apparences d’adaptation réussie, mènent un combat silencieux pour retrouver un sentiment de cohérence intérieure.


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